Le drone au service des huissiers de justice pour leurs constats

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Besoin de faire appel à un professionnel du droit ?

Nouveau portrait de notre série dédiée aux Femmes et aux Hommes qui se sont lancés en tant que Commissaire de justice (ex-Huissier de justice). Développer son activité passe, entre autres, par l’utilisation des nouvelles technologies comme le drone.

Cet article n’a pas vocation à promouvoir une étude en particulier, mais à mettre en lumière ces personnes qui se passionnent pour de nombreux sujets, au-delà de leur cœur de métier. 

Aujourd’hui, nous échangeons avec un commissaire de justice, à la tête de sa propre étude depuis janvier 2021 et co-fondateur de Jurisdrone. Il ne se définit pas comme un féru d’informatique, n’étant pas lui-même particulièrement passionné par le Hi-tech ou les nouvelles technologies.

En revanche, lorsqu’on lui a présenté un drone en 2016 alors qu’il était encore clerc habilité, l’utilisation de cet outil lui a semblé intéressante. Il a donc poussé ses recherches sur le sujet dès 2018. Il nous explique le concept du constat par drone et nous en présente les tenants et aboutissants.

 

La technologie au service du droit

Les lois dites “lois Macron” de 2015 ont permis l’installation de nouvelles études sur le territoire national. La fusion des professions d’huissier de justice et de commissaires-priseurs judiciaires en profession des commissaires de justice, depuis le 1er juillet 2022, a élargi le champ de compétences des huissiers. Ces différents facteurs ont pu engendrer des inégalités entre les études sur le territoire français.

Afin de maintenir un niveau de qualité exemplaire sur le constat, le drone peut se présenter comme une piste de solution. En effet, cet outil permet de gagner en qualité tout en gagnant du temps.

Il est intéressant de noter que la caméra intelligente d’un drone est plus qualitative que celle d’un téléphone. Toutes les fonctionnalités peuvent ainsi être exploitées. C’est la technologie qui sert le juridique et non le juridique qui est contraint par la technologie nous explique t-il.

Généralement, le constat drone se traduit par des photos, donc comme un constat classique, mais avec quelques singularités. L’utilisation de la vidéo sur le drone nécessite quelques précisions supplémentaires.

 

💡 À noter : il est également possible de faire de la modélisation en 3D grâce au drone.

 

Preuveo blog - Exemple de modelisation 3D en drone

 

Les règles à connaître et appliquer avant de se lancer

Attention, tout le monde peut piloter un drone sur son temps libre, mais il est nécessaire de suivre une formation de télé-pilote pour pouvoir l’utiliser de façon professionnelle.

En théorie, il est possible de faire voler un drone partout, aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural. Il est par exemple possible, pour un huissier de justice, d’obtenir des dérogations pour constater par exemple des centrales nucléaires ou des lieux dits “stratégiques” ou “sensibles”.

 

Pour voler en ville, il est nécessaire de déposer une demande préalable auprès de la Préfecture afin d’obtenir une autorisation préfectorale. L’administration dispose d’un délai de 5 jours pour répondre.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’y a aucune difficulté à faire voler l’appareil en milieu urbain. Il y a des capteurs pour éviter le crash de l’appareil. Les déplacements se font à vitesse réduite et bien entendu, l’objectif n’est pas de porter atteinte à la vie privée des gens, mais simplement d’observer une situation à un instant T. Il est toujours possible de demander une ordonnance si besoin.

 

Avantages et limites du drone

Un gain de temps précieux

L’un des premiers avantages du constat drone réside dans le temps qu’il fait gagner au commissaire de justice.

Faire voler le drone permet de filmer ou capter une situation dans son ensemble. Cela permet à l’huissier de s’éviter des pertes de temps et d’argent en revenant sur site, contrairement à une photo, où, si le plan n’est pas assez large ou assez représentatif d’une situation, il devra se rendre de nouveau sur place pour compléter son procès-verbal.

Comme pour toute activité, plus vous pratiquez et plus cela devient fluide et instinctif. Il en va de même pour le constat par drone. Au début, vous allez passer un peu plus de temps pour prendre en main votre appareil et obtenir les bons éléments dont vous aurez besoin. Puis avec le temps, les cadrages seront plus intuitifs. “Un constat me prend 5 à 10 minutes”, complète t-il. “Je ne dis pas qu’il faut sortir le drone tous azimuts, mais on peut l’utiliser pour trois quarts des constats en extérieur.”

 

💡 Bon à savoir : l’utilisation du drone n’est pas un frein à la gestion des demandes en urgence.

 

De nouvelles opportunités de marché

Au-delà des constats classiques réalisés par les commissaires de justice, l’utilisation du drone permet de pénétrer de nouveaux marchés, notamment sur la filière des énergies renouvelables. Il est possible, grâce au drone, de faire du constat thermique sur des immeubles par exemple, afin de lutter contre les passoires énergétiques.

Il est également possible de réaliser une inspection de parcs photovoltaïques.

Ces nouvelles opportunités ne créent pas de concurrence avec d’autres professionnels des énergies renouvelables. Au contraire, le constat ne vient que compléter leur expertise. “Même avec un drone, le commissaire de justice ne peut pas se rendre sur place pour faire les mêmes mesures qu’un géomètre.”

Une chose est sûre, le drone peut devenir un outil intéressant pour les huissiers de justice qui ont envie de faire différemment leur métier et de se diversifier.

 

Gagner en qualité

Aujourd’hui, de nouvelles solutions et applications émergent afin de fournir des “preuves” aux justiciables. Il est, de ce fait, important de redonner toute sa valeur au constat.

L’utilisation du drone permet aux commissaires de justice d’apporter un niveau de qualité supplémentaire.

Sur une modélisation, il est possible d’effectuer des mesures au centimètre près. Pratique, par exemple, si vous devez constater un non-respect des règles d’urbanisme sur la hauteur de la maison de votre voisin. Plus besoin de monter sur le toit pour vérifier la hauteur exacte, le drone vous permet d’obtenir cette information depuis la terre ferme et de façon très précise, voire dans certains cas, de palier à la quasi-impossibilité d’effectuer des prises de mesures.

Il faut cependant bien comprendre que le drone n’est pas un outil exclusif de constatation. L’huissier de justice continue de faire des photos au sol comme à son habitude. En outre, son utilisation est également pertinente dans le traitement de l’information, le drone pouvant présenter une réelle utilité, notamment pour la prise de mesures, telles que les élévations de terrain, les distances, les superficies, etc, éléments que l’on n’est pas en capacité de faire ressortir sur un constat classique.

 

Les limites du drone

Même si le drone est un outil technologique intéressant pour venir enrichir le constat dressé par l’huissier de justice, il n’en reste pas moins que ces derniers ont un devoir de rédaction et d’explication d’une situation. Pour lui, “le drone doit rester un outil au service de la profession. Sinon, les commissaires de justice ne seraient plus légitimes pour le faire.”

 

Quel intérêt pour la profession des commissaires de justice ?

Qu’on se le dise, les justiciables n’ont pas le réflexe de demander un constat par drone lorsqu’ils prennent rendez-vous avec un huissier de justice.

Ce dernier le confirme et précise que si les commissaires de justice attendent que la demande émane des justiciables, la constatation par drone ne se fera jamais, d’autant qu’en général, ils ne savent pas que c’est une possibilité.

 

Les étapes avant de pouvoir effectuer des constats par drone

Avant de pouvoir utiliser le drone dans son activité professionnelle, il faut être habilité à le faire. Un peu comme pour le permis bateau, il faut passer un examen composé d’une partie théorique et d’une partie pratique. Le diplôme théorique est délivré par la Direction Générale de l’Aviation Civile.

 

⚠️ Attention : “un commissaire de justice qui n’est pas télé-pilote ne peut pas faire appel à un tiers pour faire ses constatations. Juridiquement, ce serait un contre-sens, puisque l’huissier s’engagerait sur le rapport d’un tiers et dont il n’est pas en mesure d’en vérifier la véracité et la légalité.

 

Afin de préparer l’examen, il est nécessaire de se former. C’est là que le bât blesse. Il y a peu de réglementation aujourd’hui et n’importe qui peut s’installer en formateur de pilote de drone professionnel, à partir du moment où il a passé l’examen de la DGAC.

C’est à partir de ce constat que notre portrait du jour et son associé, ancien clerc d’huissier, ont décidé de créer un centre de formation spécialisé pour les commissaires de justice, qui s’avère être le seul existant dans l’ensemble de l’Union Européenne. “L’objectif était de pallier ce problème de méconnaissance de la profession et former de façon qualitative les huissiers de justice et d’accès principalement sur l’aspect pratique des prises de vue en lien avec les différents de types de constat.” 

Une fois que vous êtes reçu à l’examen de la DGAC, il ne vous reste plus qu’à déclarer votre étude comme exploitante drone et rédiger, ce qu’on appelle dans le jargon, “un manuel d’exploitation”.

 

Maintenant que vous êtes en règle avec l’administration, vous pouvez utiliser le drone pour vos constats. Bravo !

Avant chaque utilisation, vous devrez cependant vous affranchir de quelques démarches pour voler en toute tranquillité : 

  • Étudier la carte aérienne de la zone où vous souhaitez faire voler votre drone afin de vérifier qu’il n’y a pas d’emprise aérienne et les hauteurs de vol autorisées. Cela vous permettra de connaître l’environnement dans lequel vous allez évoluer.
  • Pour les vols en agglomérations, remplir un formulaire CERFA auprès de la Préfecture et le déposer la déclaration sur la plateforme Alpha Tango. Comme expliqué précédemment, l’administration dispose d’un délai de 5 jours pour refuser ou accepter votre demande, l’absence de réponse valant acceptation
  • Définir techniquement des barrières virtuelles au drone pour ne pas dépasser les limites d’exclusion de vol

 

💡 Bon à savoir : au-delà de la formation des commissaires de justice au télé-pilotage de drone, Jurisdone a été créée pour décharger les huissiers de ces contraintes administratives en les gérant pour eux.

 

Un investissement pour soutenir son activité

Parlons un peu argent. On ne vous apprend rien, faire du constat par drone représente un investissement. Mais est-ce si cher ?

Il faut d’abord compter des frais pour s’équiper. Vous pouvez trouver des drones à tous les prix. Un conseil cependant, pensez à vous équiper de plusieurs batteries pour être en mesure de réaliser vos constats. Un drone pour une utilisation professionnelle coûte en moyenne 1800 à 2000€ HT. L’équipement est vite amorti si vous l’utilisez régulièrement.

À cela s’ajoutent des frais de formation de télé-pilotage, qui oscillent entre 3 000 et 5 000 €. N’hésitez pas à consulter votre CPF afin de voir si cette formation peut être payée avec. Certaines formations, comme celle de JurisDrone, bénéficient également de crédits d’impôt, et d’une prise en charge par le FIF PL (Fonds Interprofessionnel de Formation des Professionnels Libéraux) à hauteur de 50% du coût total de formation (cumulable avec le compte CPF et le crédit d’impôt).

L’investissement reste donc relativement raisonnable, grâce aux solutions de financement possibles.

 

Les perspectives pour le constat drone

Le constat drone a récemment bénéficié d’une mise en lumière, grâce au nouveau constat Legalpreuve de conformité locative, développé par la Chambre Nationale des Commissaires de Justice.

Certains huissiers ont bien compris l’enjeu de différenciation et ont franchi le pas en se formant pour aller toucher de nouveaux clients et de nouveaux marchés. On peut penser que cela aura un effet boule de neige au sein de la profession.

L'huissier de justice confirme la tendance “Aujourd’hui, on compte une centaine d’huissiers de justice formés au télé-pilotage et utilisant le drone de façon régulière dans leurs opérations de constats.


Quant à l’accueil par les professions du droit, notamment les magistrats, le drone est plutôt bien accepté. Dans les grandes villes, il est même désormais autorisé de faire des constats et modélisations drone sur ordonnance.

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